Sur une pile de livres, la siamoise souriait, exquisement beige et rose. Elle et moi étions d'accord sur tout. Elle se pressa contre mes mollets comme elle le faisait lorsqu'elle me sentait préoccupée. Je n'étais ni triste ni fâchée. Simplement pressée que Marc déguerpît, car un amant de mauvaise humeur devient vite une sorte d'intrus. Or les chats et moi avions des choses à nous dire. Ce que Pétronille me confirma en se jetant dans mes bras. Je sentis comme chaque fois la tiédeur duveteuse de sa chair dodue et la douceur de tout ce pelage lové contre moi. Elle s'endormit d'un coup, comme si ma peau, mon odeur, celle de mes cheveux étaient un puisssant somnifère. Puis, gracieuse jusque dans l'abandon, fermant les yeux, la siamoise émit un léger ronflement. Comment un être aussi délicat peut-il avoir des postures aussi animales ? ai-je pensé en souriant. La chaleur de ce corps, c'était la vie même, rien ne ressemblait plus à la valeur et à la rareté singulières et magnifiques de celle-ci que la siamoise endormie. Le bonheur se coagula entre nous.

- Ciao, je t'appelle, cria Marc en claquant la porte.

Pétronille sursauta. Chéri-Bibi se coucha contre moi. Ma passion pour sa soeur ne l'indisposait pas, au contraire. C'était un partageur, la bonté faite chat.

- Chat fou, dis-je en parsemant de baissers le pelage de celle qui ronflait outrageusement en sa splendeur feutrée.

La chatte frémit à peine, entrouvrant ses prunelles d'un bleu profond. Bibi sauta sur la table et frôla ma joue, sachant rentrer quand il le fallait tout ce qui blessait. Sa caresse m'étonnait toujours, elle passait sur le grain de ma peau sans laisser de trace. Mon affection égalant la sienne, je palpais les coussinets, les griffes ramassées en leur abri, tâtant longuement les nerfs, les nervures, les jointures, le poil, perfection étonnante, lorsqu'on y songeait, d'une chair conçue et pensée au millimètre près pour que Bibi pût vivre sa vie de chat.

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